Politique des transports

«Est-ce que les embouteillages matin et soir valent vraiment la peine d’être vécus ou est-ce que nous voulons agir?»

07.03.2024

Interview_Laurent Roux_Mobility Carsharing_2024

Laurent Roux est comme beaucoup d’autres: Il a une voiture, mais n’en a que rarement besoin. Il la partage ainsi avec ses voisins. Pour le CEO des Verkehrsbetriebe Luzern, le car sharing constitue une pièce importante du puzzle de la mobilité durable.

Laurent Roux, vous avez renoncé à l’automne à votre voiture personnelle pendant un mois. Comment en êtes-vous arrivé à participer, avec votre famille, au challenge de Luzernmobil?

Laurent Roux: J’ai vu sur Instagram que la communauté de transports organisait un challenge en collaboration avec la marque faîtière Luzernmobil. J’ai donc demandé si ma famille et moi pouvions participer.
 

Quels sont les moyens de locomotion que vous avez utilisés pendant les 31 jours?

Les vélos étaient nos moyens de transport principaux. Nous avons aussi utilisé essentiellement les transports publics, ce que nous faisons déjà beaucoup. De plus, nous disposions d’un vélo cargo ou Un vélo-cargo et un vélo électrique à disposition – c’était génial! Grâce à une remorque, nous avons pu quasiment tout transporter sans problème. Nous avons moins utilisé Mobility pendant le challenge car avec les sièges pour enfant, c’est un peu moins pratique.
 

Le car sharing est-il un sujet pour vous, bien que vous ayez une voiture?

Oui, absolument! Nous avons une voiture que nous partageons avec deux voisins qui n’en possèdent pas. Une simple demande par WhatsApp suffit pour la réserver. S’ils doivent parcourir une plus longue distance, ils font le plein.
 

C’est exemplaire.

Bien sûr, nous sommes parfois bien contents d’avoir une voiture, par exemple pour les entraînements de natation ou les vacances au ski. Mais si la voiture est à l’arrêt le reste du temps, c’est un gaspillage des ressources.
 

Étiez-vous lié à Mobility avant le challenge?

J’ai été client Mobility pendant longtemps. Jusqu’à la naissance de notre troisième enfant, nous n’avions pas notre propre voiture et nous utilisions Mobility à la place. Nous avons ensuite acheté une voiture familiale, avec des portes coulissantes pratiques – le grand classique des familles (rit).

31 jours sans voiture personnelle

Que ce soit à Berne, Lucerne ou Winterthour: inscrivez-vous, déposez votre voiture, essayez! À Lucerne, la marque faîtière organise Luzernmobil le challenge. Dans d’autres villes, l’organisation 31DAYS Challenge est la coopérative 42hacks actif. Par exemple à Winterthour, où 1000 personnes devraient renoncer à leur voiture ce printemps, ce qui constituerait une tentative record. Vous êtes intéressé? Tu trouveras toutes les informations sur le challenge sans voitures de Winterthour sur ce Lien. Mobility est partenaire du 31DAYS Challenge. En plus d’un abonnement Mobility gratuit, les participants disposent de différentes possibilités de déplacement, comme des vélos électriques ou un AG découverte.

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Laurent Roux pose devant un bus électrique de la flotte VBL.

À quoi ressemble votre trajet pour aller au travail?

J’habite dans la ville de Lucerne. La ligne 7 de bus passe quasiment devant chez moi et m’amène au bureau. Même si j’aimerais bien prendre le vélo, j’emprunte quasiment toujours le bus. Mon trajet pour aller au travail est un point de contact important avec mes collaborateurs. Au moins deux fois par jour, j’ai ainsi la possibilité de dire bonjour, merci et bonne journée.
 

La ligne 7 est-elle appréciée par vos collaborateurs?

Les collaborateurs de cette ligne ont tiré le gros lot parce qu’il y a de fortes chances pour que je monte dans le bus (rit). C’est une plaisanterie. Je ne pense pas que cela soit perçu comme une punition.
 

Berne, Lucerne, bientôt Winterthour: Quelle est l’importance de ces défis pour les villes?

L’action est formidable. Elle montre que tout le monde peut remettre en question à tout moment son comportement en matière de mobilité. Cela ne signifie pas qu’on doive changer radicalement du jour au lendemain, mais simplement qu’on peut essayer quelque chose. D’autre part, il est important que de telles actions mettent en lumière les défis du trafic urbain. Si le bus est dans le même embouteillage que les voitures, cela n’incite pas à passer aux transports publics.
 

Les voitures privées constituent alors le plus grand problème?

Absolument, une voiture privée prend énormément de place et ne transporte en moyenne que 1,5 personne. Elle est donc non seulement inefficace mais représente également un moyen de transport égoïste.
 

Percevez-vous un autre moyen que de limiter le trafic individuel par voie réglementaire?

Nous avons le choix. Est-ce que tant de personnes doivent prendre leur propre voiture tous les jours? Dans ce cas, on court à l’effondrement du système, comme nous le voyons déjà. Ou devons-nous réaffirmer notre engagement pour des TP attractifs et tout mettre en œuvre pour qu’ils soient fiables? Cette dernière option est plus durable, plus équitable et rend nos villes plus agréables à vivre – dans l’intérêt de tous.
 

Franchement, une amélioration est-elle en vue au cours des dix prochaines années?

Est-ce que les embouteillages matin et soir valent vraiment la peine d’être vécus ou est-ce que nous voulons agir? Aujourd’hui déjà, différentes solutions sont discutées et en partie déjà mises en œuvre: Mobility, Roadpricing, péages urbains, créneaux de passage, zones interdites aux voitures, services de navette, interdictions de circuler à certaines heures, arrêt du trafic de transit à travers la ville, etc. Il existe de bons exemples et initiatives en Suisse, en Europe et dans le monde qui montrent à quel point l’attractivité augmente au sein d’une région où peu ou pas de voitures ont accès.
 

Différents moyens de locomotion sont disponibles au sein d’une ville: autopartage, vélo-cargo, vélo, trottinette électrique, etc. Le choix se fait en fonction de la distance, des passagers, de la météo, des bagages ou du budget. Une seule application permet de réserver et de payer. Que pensez-vous de ce scénario d’avenir?

Nous suivons avec attention ce genre d’évolution. Tant que j’ai besoin de cinq comptes différents pour me déplacer, ce n’est pas intéressant. Je veux une application qui me propose le moyen de transport le plus rapide et le plus avantageux et qui facture automatiquement mon trajet avec le mode de paiement enregistré.
 

Pensez-vous qu’une plateforme unique de réservation soit nécessaire pour faire progresser la mobilité partagée?

J’en suis convaincu. Du point de vue des clientes et clients, la situation actuelle n’est pas optimale. Heureusement, dans les transports publics, il est déjà possible de se déplacer dans toute la Suisse avec un seul swipe/slide.
 

Les entreprises des TP des villes de Zurich, Bâle et Berne ont mis au concours le développement d’une application de mobilité. Pourquoi Lucerne n’en fait pas partie?

Nous échangeons beaucoup avec d’autres villes et regardons de près de tels projets. Nous y participerons dès lors que nous le pourrons et que ce sera judicieux. Il s’agit souvent d’une question de ressources et de moyens financiers.
 

Voyez-vous un inconvénient à ne pas participer au développement de l’application de mobilité?

Nous échangeons en permanence et de manière transparente, que ce soit au sein de l’Union des transports publics ou d’autres commissions. De mon point de vue, il n’est pas nécessaire d’avoir dix représentants, cela peut même être paralysant. Dans l’idéal, deux ou trois acteurs participent et si tout se passe bien, les autres rejoignent l’aventure.
 

D’ici 2030, Mobility fera passer sa flotte à l’électrique et participera ainsi activement à la conception d’une mobilité moderne et durable: Comment évaluez-vous le rôle de Mobility?

Mobility joue un rôle important de modèle. L’entreprise est visible pour le public et dispose d’une flotte immense dans toute la Suisse. Il s’agit là de deux leviers importants sur la voie vers cet objectif. Je salue le passage à l’électromobilité.
 

À partir de quand les VBL prévoient-ils de rouler de manière conséquente en électrique?

Nous sommes financés par le canton de Lucerne, qui suit la feuille de route 2040. Les derniers véhicules diesel devraient être oubliés vers 2033. Si nous continuons à ce rythme, les VBL rouleront donc sans énergie fossile plutôt autour de 2030 que de 2040. La situation mérite toutefois d’être constamment réévaluée.
 

Que pensez-vous du rôle de la gare de transit prévue? Faut-il la voir comme l’élément déclencheur permettant de repenser la mobilité partagée à Lucerne et alentours et de l’encourager durablement?

Je suis fermement convaincu que ce projet aura un effet positif sur les transports publics. Sur certaines lignes, il permettra d’améliorer l’offre. Une cadence toutes les heures vers Berne ou toutes les demi-heures vers Zurich ne sont plus adaptées à l’époque. Si l’on renforce l’attractivité, cela incitera les gens à passer de la voiture aux transports publics.
 

Comment imaginez-vous la nouvelle gare de transit? Qu’est-ce qui y circulera, mis à part les trains?

Il s’agira en fin de compte d’un grand «hub», où on peut accéder sans voiture pour profiter de correspondances simples et efficaces, par exemple des TP au vélo ou du car sharing au train.
 

Qu’en est-il des visiteurs du KKL, qui utilisent souvent le parking situé sous la gare?

Les transports publics doivent être si attractifs que la vaste majorité des visiteurs du KKL les utilisent sans même se poser la question. Les horaires d’arrivée doivent être fiables pour que les visiteurs arrivent à l’heure au début du concert, sans prévoir une heure de plus au cas où. Le retour doit également être garanti sans stress, même si le concert dure dix minutes de plus que prévu.
 

Des transports publics dans l’air du temps circulent-ils 24h/24?

C’est une évolution importante et pour moi, une question d’époque. Bien sûr, au milieu de la nuit, on n’a pas besoin de cadence toutes les 15 minutes entre Lucerne et Zurich. À l’avenir, ce besoin pourrait éventuellement être satisfait avec les offres à la demande. Il existe différents concepts qui nous ouvrent toutes sortes de possibilités.
 

Imaginons que vous ayez un vœu: À quoi ressemblera la mobilité dans la ville de Lucerne dans cinq ans?

Les transports publics doivent circuler. J’en suis fermement convaincu: Il s’agit là d’un point essentiel si nous voulons faire un grand pas en avant dans la mobilité durable. Nous conduisons nos clientes et clients au train, et inversement. Si nous ne pouvons être fiables sur le dernier kilomètre, la répercussion est négative sur toute la chaîne du trajet.
 

Qui devons-nous solliciter pour voir ce vœu se réaliser? La ville de Lucerne, les politiques de Berne, les habitantes et habitants de Lucerne?

On a besoin de tout le monde. Nous pouvons élire des personnes dans le monde politique qui ont le courage de prendre certaines décisions au profit d’une mobilité durable et de villes où il fait bon vivre.
 

Donc la première étape doit venir des citoyennes et citoyens, et non du monde politique?

C’est un travail d’équipe. De nombreuses personnes apportent déjà leur contribution au tournant de la mobilité. Ce serait bien qu’encore plus de personnes aient le courage d’essayer quelque chose.
 

La boucle est ainsi bouclée: Un mois sans voiture est une merveilleuse occasion d’essayer de nouvelles choses et de voir ce que cela fait de vous.

Absolument, cela permet de remettre en question son propre comportement. Et c’est bénéfique.

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Autrefois client Mobility assidu: Laurent Roux est convaincu que le car sharing contribue au tournant de la mobilité.