Plus de propulsion électrique, moins de voitures et des solutions innovantes comme le car sharing: notre mobilité doit changer. Cela requiert de nouveaux comportements. Or force est de constater que le nombre de véhicules est en augmentation et que beaucoup plus de voitures thermiques que de voitures électriques sont encore en circulation. Le car sharing est certes apprécié en ville, mais moins en campagne. Les familles des régions rurales possèdent souvent une à deux voitures personnelles.
Pourquoi? C’est notamment dû à nos comportements et à nos habitudes, que nous avons du mal à changer. Quand on renonce à avoir sa propre voiture ou quand on passe à un véhicule électrique, il faut s’organiser. Peut-être aussi que la place de parc n’est plus sur le pas de la porte. Pour certains, le fait de prendre le vélo ou de marcher dans le quotidien stressant demande un changement trop radical. Comment le tournant dans le domaine de la mobilité peut-il quand même avoir lieu? Par des incitations au niveau politique, par exemple. Barbara Schaffner, conseillère nationale des Vert’libéraux et membre de la commission des transports, a un avis sur la question.
Levier au niveau politique
Elle l’affirme: «Le coronavirus nous l’a montré: nous pouvons nous adapter plus rapidement que prévu lorsque les circonstances extérieures changent. Pour cela, de nouveaux modes de pensées sont nécessaires en politique. Si le réseau routier était développé et que les trajets pendulaires étaient ainsi raccourcis, nombreux sont ceux qui estimeraient n’avoir aucun intérêt à laisser leur voiture au garage ou à rechercher un emploi à proximité. Par ailleurs, la mobilité doit être envisagée mais aussi financée dans sa globalité. Aujourd’hui, nous pouvons combiner de nombreux moyens de transport, comme la voiture personnelle ou partagée, le vélo ou le train. Le monde politique et administratif doit l’intégrer et l’encourager.» D’après Madame Schaffner, la mise à disposition de suffisamment de places de parc peu chères au niveau des gares s’inscrit par exemple dans cette démarche pour que le passage au train puisse fonctionner. Les entreprises innovantes doivent aussi être libérées des obstacles existants. «En politique, la pensée en silo complique beaucoup de choses. Il existe par exemple des lois pour les sociétés de taxis et des lois pour les bus de ligne. Or les moyens de transport ou modèles commerciaux récents comme les services de transport à la demande ne rentrent ni dans l’une catégorie, ni dans l’autre, tout en étant soumis aux prescriptions des deux.»
Les coûts de la mobilité sont aussi un levier en politique: «Nous voyons beaucoup de voitures thermiques sur les routes. Une taxe sur le CO2 serait un moyen de créer des incitations facilitant le changement», estime Barbara Schaffner. Elle est aussi d’avis que l’aménagement du territoire devrait être optimisé. «Des trajets courts impliquent moins de trafic.»
Un nouvel aménagement urbain pour des trajets plus courts
Simon Kettner, chargé de la stratégie de mobilité du canton de Bâle-Ville, apporte le point de vue de la ville dans la table ronde. Il est également convaincu du fait que les trajets doivent être raccourcis: «Si je vais à pied faire mes achats au coin de la rue, c’est beaucoup mieux que de devoir prendre la voiture pour me rendre dans une zone industrielle.» Il n’envisage pas pour autant que tout le monde privilégie d’un coup les trajets à pied. «La mobilité doit pouvoir bien répondre aux besoins individuels. Bien évidemment, nous voulons continuer à aller au travail, faire des achats, aller au cinéma ou rendre visite à des amis de manière pratique. Pour cela, nous avons besoin de plus de mobilité mais de moins de trafic.» M. Kettner explique ce paradoxe: «Le trafic est composé de véhicules qui grignotent les ressources, l’énergie et l’espace. La mobilité doit reposer sur d’autres concepts qui peuvent remplacer la voiture personnelle. Une voiture de car sharing prend toujours trop de place. Mais elle remplace dix voitures privées et peut permettre d’économiser de l’espace. C’est logique.» De fait: «Les voitures continueront d’exister et il est légitime de les prendre pour certains trajets. Leur utilisation doit toutefois devenir plus efficiente, leur nombre doit diminuer et elles doivent enfin passer à l’électrique.»
Les concepts innovants comme le car sharing sont particulièrement appréciés dans la ville. Toutefois, Simon Kettner affirme qu’il faut aussi trouver une solution dans les zones rurales et les agglomérations. «Nous devons également repenser le car sharing dans ces endroits-là .» Pour faire progresser les nouveaux concepts de mobilité dans les régions rurales, il estime que davantage de financements de départ et de partenariats avec les communes et les entreprises seront sans doute nécessaires, comme le fait déjà Mobility. C’est justement dans les campagnes qu’il est difficile d’obtenir la densité requise d’utilisatrices et d’utilisateurs. Mais ainsi, l’offre pourrait au moins être élargie pour acquérir de l’expérience. «Si tout fonctionne bien, peut-être que les gens vendront leur propre voiture et que les subventions ne seront plus nécessaires.»
Les premières expériences ont une importance capitale
La Prof. Dr Merla Kubli s’intéresse au sujet de l’expérience. Elle mène par exemple des recherches sur le comportement d’utilisation des nouvelles technologies et sait ainsi qu’il est plus facile de changer son comportement si cela demande peu d’effort et si cela a du sens pour nous en termes de temps ou d’argent. En fin de compte, la convivialité des nouveaux systèmes tels que les bornes de recharge, les prises ou les solutions intelligentes serait souvent déterminante à cet égard. «Quand une personne conduit une voiture électrique pour la première fois et qu’elle rencontre des problèmes sur une borne de recharge publique, elle est largement découragée par l’expérience.» Le sens et le but d’une technologie peuvent aussi motiver les personnes: par exemple, le smart charging, qui consiste à ne recharger la voiture électrique que lorsque c’est utile au réseau et que ce dernier a beaucoup d’électricité, ne répond pas en premier lieu à un besoin du client mais apporte un intérêt en stabilisant le réseau électrique. Il est donc essentiel de bien communiquer pour mettre en avant les avantages pour tous: «Par exemple: avec l’essor de la mobilité électrique, ce sont bientôt des millions de batteries solaires potentielles qui circuleront sur les routes suisses. Utilisons-les!»
DĂ©construire les peurs
Depuis près de six ans, Hans Fischer, co-fondateur de Solar Manager et auteur sur le site Technikblog, teste les avantages et le confort des voitures électriques. Il sait également à quel point une bonne communication est importante pour lutter contre les préjugés: «La question est toujours: quelle distance puis-je parcourir avant de devoir recharger ma voiture ou peut-être de me retrouver en panne au bord de la route? Il s’agit de déconstruire ces peurs avec un important travail d’information.» Heureusement, les systèmes de charge sont aujourd’hui standardisés pour la plupart, mais l’offre pléthorique de fabricants de bornes de recharge reste problématique. «Cela peut nous prendre encore deux ou trois ans pour trouver une bonne solution harmonisée.»
Heureusement, d’après Hans Fischer, nous avons quand même accompli plusieurs choses. «La hausse des prix de l’électricité l’an dernier a amené de nombreuses personnes à s’intéresser à l’énergie et aux prix de l’énergie. Que puis-je faire avec l’électricité? Comment l’économiser? D’où vient-elle?» Ce nouvel intérêt pour le sujet serait selon lui une étape essentielle dans la bonne direction.
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