«Le propriétaire d’une voiture électrique doit pouvoir gagner de l’argent sur le marché de l’électricité»

Les véhicules électriques de Mobility ne sont pas seulement censés soulager le climat, mais aussi l’approvisionnement en électricité. Grâce à des projets tels que «V2X Suisse», les consommateurs deviennent de plus en plus eux-mêmes des acteurs actifs du marché de l’électricité.

Texte   Daniel Schriber

22.09.2023

  • DurabilitĂ©

Mobility a de grands projets: d’ici 2030 au plus tard, l’ensemble de la flotte – environ 3'000 vĂ©hicules actuellement – sera Ă©lectrique. Si l’évolution de l’électromobilitĂ© en Suisse est rĂ©jouissante, les dĂ©fis qui en dĂ©coulent sont nombreux. En effet, plus il y a de vĂ©hicules Ă©lectriques, plus les besoins en Ă©lectricitĂ© sont Ă©levĂ©s. Et plus les besoins sont Ă©levĂ©s, plus il est difficile de garantir la stabilitĂ© du rĂ©seau. Celle-ci est indispensable pour un approvisionnement fiable et sĂ»r du pays.

C’est lĂ  qu’intervient le projet «V2X Suisse» lancĂ© en septembre 2022. L’idĂ©e est la suivante: les voitures Ă©lectriques ne consomment pas que de l’électricitĂ©. Les bornes de recharge bidirectionnelles leur permettent de rĂ©injecter de l’énergie dans le rĂ©seau. Pour la mise en Ĺ“uvre technique de ce projet, Mobility a fait appel Ă  diffĂ©rents partenaires Ă©conomiques, dont l’entreprise tiko, dont le siège est Ă  Zurich. «Depuis sa crĂ©ation en 2012, l’approche de tiko consiste Ă  interconnecter les appareils Ă©lectriques et les batteries dĂ©centralisĂ©s et Ă  les utiliser pour stabiliser les rĂ©seaux», explique Stefan Dörig, responsable RĂ©gulation. «La technologie V2X n’est pas radicalement nouvelle pour nous.» Ce qui est nouveau pour M. Dörig et son Ă©quipe, c’est que les voitures Ă©lectriques d’une entreprise de car sharing font office de mini-centrales Ă©lectriques. C’est d’autant plus intĂ©ressant que Mobility dispose d’un pool de vĂ©hicules. «Le fait que les vĂ©hicules Ă©lectriques nous permettent d’utiliser des actifs dĂ©jĂ  disponibles rend la technologie V2X non seulement intĂ©ressante sur le plan Ă©conomique, mais aussi Ă©cologique. Mobility fait preuve une fois de plus d’esprit d’innovation», dĂ©clare M. Dörig.

tiko assure la stabilité du réseau

Aby Chacko, responsable Energy Services chez tiko, consacre lui aussi beaucoup d’énergie au projet: «les dĂ©fis en matière d’approvisionnement Ă©nergĂ©tique ne diminueront pas Ă  l’avenir, bien au contraire. L’électromobilitĂ© peut ĂŞtre un Ă©lĂ©ment important de la solution.» Cela s’explique notamment par le fait qu’en Suisse, les voitures sont immobilisĂ©es 23 heures par jour en moyenne. Grâce Ă  V2X, les vĂ©hicules «à l’arrĂŞt» se transforment en powerbanks qui peuvent se regrouper en un grand accumulateur d’énergie. Ainsi, les exploitants de rĂ©seau et les mĂ©nages peuvent pour ainsi dire s’approvisionner en Ă©lectricitĂ© auprès des voitures Ă©lectriques aux heures de pointe, tandis que celles-ci se rechargent ensuite Ă  un tarif plus avantageux. «Chez tiko, notre mission est de garder un Ĺ“il sur l’offre et la demande et de prĂ©lever de l’électricitĂ© ou de l’injecter dans le rĂ©seau en fonction des besoins», explique Aby Chacko. tiko apporte ainsi une contribution importante au maintien de la stabilitĂ© du rĂ©seau – et donc aussi Ă  la protection contre une Ă©ventuelle pĂ©nurie temporaire d’électricitĂ©. Un an après le lancement du projet pilote, Abi Chacko tire un bilan positif. «Nous voulions montrer qu’il est techniquement possible de stabiliser le rĂ©seau en Suisse avec des voitures Ă©lectriques V2X. Nous y sommes parvenus.»

Trois facteurs de réussite

Selon Stefan Dörig, trois conditions doivent être remplies pour que V2X s’impose à long terme dans l’électromobilité: «L’accès à l’électromobilité doit devenir encore plus facile.» Pour ce faire, il faut notamment continuer à développer l’infrastructure (de recharge). Il mentionne ensuite les coûts: «Plus il y a de véhicules V2X et d’emplacements disponibles, plus la technologie est attrayante.» Stefan Dörig cite comme exemple le développement du photovoltaïque, qui n’a jamais été aussi bon marché. «Le troisième point concerne la régulation du marché de l’électricité.» Aujourd’hui encore, celle-ci est (trop) fortement axée sur les modèles classiques. D’une part, sur les grandes centrales qui produisent de l’électricité et, d’autre part, sur les ménages qui l’utilisent. Et c’est précisément cela qui change de plus en plus. «Grâce à des projets tels que «V2X Suisse», les consommateurs deviennent de plus en plus eux-mêmes des acteurs actifs du marché de l’électricité.» La politique doit tenir compte de cette évolution.

Sprint final durant les mois d’hiver

MalgrĂ© les dĂ©fis, M. Dörig n’a aucun doute: «En collaboration avec Mobility et d’autres partenaires de projet du monde Ă©conomique, nous avons pu prouver ces douze derniers mois que les vĂ©hicules Ă©lectriques peuvent dĂ©jĂ  ĂŞtre utilisĂ©s comme rĂ©servoirs d’énergie efficaces.» Afin d’acquĂ©rir encore plus d’expĂ©rience, le projet sera prolongĂ© de six mois et se poursuivra l’hiver prochain. Selon M. Dörig, V2X est une technologie convaincante et une grande promesse pour l’avenir. Et d’ajouter: «Notre vision est que chaque propriĂ©taire d’un vĂ©hicule Ă©lectrique puisse gagner de l’argent sur le marchĂ© de l’électricitĂ© tout en contribuant Ă  la transition Ă©nergĂ©tique, et ce sans perte de confort.»

Discussion sur l’avenir de l’électromobilité au siège de tiko Energy Solutions à Zurich: Stefan Dörig (au centre) en entretien avec l’auteur Daniel Schriber (à dr.).

Cet article a été rédigé à mi-parcours du projet à l’automne 2023.

Qu’est-ce que «V2X-Suisse»?

Le projet de recherche limité dans le temps s’est déroulé de manière opérationnelle de l’automne 2022 au printemps 2024. 50 voitures électriques bidirectionnelles Honda ont été intégrées à l’exploitation normale de car sharing de Mobility. Il s’agissait du premier test à grande échelle avec des voitures électriques à chargement bidirectionnel en Suisse. Il devait montrer comment cette technologie peut rompre les pics de charge du réseau électrique et comment les emplacements dotés d’installations photovoltaïques peuvent optimiser leur consommation. Il s’agissait en outre d’analyser le potentiel économique des véhicules bidirectionnels en Suisse et de tester la concurrence entre les clients potentiels de flexibilité aux trois niveaux du réseau (Swissgrid, gestionnaires de réseau de distribution et regroupement pour la consommation propre).

Le rapport final sera publié en été 2024 sur ARAMIS (la base de données de recherche de l’administration fédérale). ARAMIS - La base de données de recherche de l’administration fédérale - page d’accueil (admin.ch)

Conclusion: le projet a démontré la faisabilité technique et a donné un élan à la technologie bidirectionnelle. Il a montré qu’en plus du V2H (Vehicle-to-Home) qui a fait ses preuves, le V2G (Vehicle-to-Grid) fonctionne aussi techniquement, tant au niveau du réseau que du système. Mais une exploitation économique pour une entreprise de car sharing n’est pas encore rentable à l’heure actuelle.

Outre Mobility, les entreprises suivantes ont participé au projet: le constructeur automobile Honda, la plateforme logicielle sun2wheel, le développeur de stations de recharge EVTEC, l’agrégateur tiko, ainsi que novatlantis en tant que collaborateur scientifique (en collaboration avec l’ETH Zurich). Le projet est soutenu par le programme pilote et de démonstration de l’Office fédéral de l’énergie OFEN.

Images Copyright:Patrick Besch

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