Marco Piffaretti, le projet «V2X Suisse» a été lancé il y a un an. En tant que chef de projet, quel bilan tires-tu?
Avec 50 voitures électriques sur 40 emplacements Mobility, «V2X Suisse» est le plus important test de ce type jamais réalisé en Suisse – et l’un des plus importants d’Europe. Jusqu’à présent, quelque 3500 clientes et clients ont effectué plus 400'000 kilomètres avec des véhicules bidirectionnels. Nous savons désormais que la réinjection dans le réseau fonctionne très bien. En outre, différents essais nous ont permis de démontrer que ce projet remplissait les exigences de l’exploitante nationale du réseau Swissgrid.
Quelles conditions faut-il remplir pour cela?
Le réseau de transmission fonctionne uniquement lorsque la production et la consommation d’électricité sont équilibrées. Par ce projet, nous avons voulu montrer que V2X pourrait un jour contribuer largement à la prévention des pénuries temporaire d’électricité et des surcharges. Une des conditions pour y arriver est que les voitures électriques soient en mesure de réagir dans les deux secondes aux signaux de Swissgrid afin de compenser les fluctuations du réseau. Nous y sommes parvenus. Dans un contexte marqué par les menaces de pénurie temporaire d’électricité et de congestion du réseau, il s’agit d’un succès majeur qui souligne le potentiel de la technologie de recharge bidirectionnelle.
Par conséquent, rien ne s’oppose à l’introduction de V2X sur l’ensemble du territoire?
D’un point de vue technique, non, mais le développement de l’infrastructure de recharge en Suisse reste un énorme défi. Toutefois, c’est le cadre réglementaire qui constitue le plus grand challenge. D’autres pays sont plus progressistes et plus avancés à cet égard.
Quels sont les défis dans ce domaine?
La législation actuelle est taillée pour les centrales de pompage-turbinage – c’est-à -dire des installations peu nombreuses, de grandes dimensions et relativement lentes. La technologie V2X est une source d’énergie à réponse numérique très rapide, diffuse et flexible. Le législateur doit tenir compte de cette évolution. L’acte modificateur unique qui est débattu actuellement au Parlement concernant l’approvisionnement en électricité et en énergie est un pas dans la bonne direction.
Quels sont les avantages de la technologie V2X par rapport aux grandes centrales de pompage-turbinage?
Il ne s’agit pas de mettre en concurrence les deux systèmes. Les centrales de pompage-turbinage continueront de compenser les fluctuations à l’avenir également – mais essentiellement pour des périodes assez longues et des stockages saisonniers. La technologie V2X, en revanche, nous permettra de réagir plus rapidement et plus souplement aux fluctuations à court terme. Les voitures électriques sont idéales pour compenser les fluctuations dans un délai de quelques heures, quelques jours ou quelques semaines. En outre, les exploitants d’installations photovoltaïques privées pourront tirer parti de la technologie V2X et « mettre de côté » l’excédent d’électricité du temps de midi pour le soir.
Où l’utilisation de la technologie bidirectionnelle s’avère-t-elle intéressante?
Partout où il y a des installations photovoltaïques et des véhicules électriques en stationnement. Recourir à la recharge bidirectionnelle évite l’achat d’une batterie stationnaire performante coûteuse. L’optimisation de la consommation propre permet d’économiser des taxes de réseau élevées.
Comment les clientes et clients ont-ils réagi au projet?
Nous sommes agréablement surpris du nombre de clientes et clients intéressés par cette nouvelle technologie. Nous avons reçu beaucoup de réactions, donné des conférences et répondu aux demandes des journalistes. L’idée de base derrière V2X est que la société coopérative Mobility ne soit plus seulement synonyme de mobilité partagée, mais aussi d’énergie partagée dans le futur. Manifestement, cette vision est accueillie favorablement par nos clientes et clients.
Quelle est la prochaine Ă©tape pour V2X?
Le projet «V2X Suisse» continue jusqu’à la fin mars 2024. Le rapport final suivra quelques mois plus tard. Si l’on considère le nombre de véhicules électriques qui seront mis sur le marché au cours des prochaines années, il est d’ores et déjà clair que cette technologie a un énorme potentiel. Des millions de voitures électriques circuleront dans les années à venir. Ensemble, elles pourraient former une gigantesque centrale électrique sur roues.
Quelles sont les principales conditions à remplir pour que cette vision devienne un jour réalité?
Au final, le partage d’énergie et de rendement doit être simple et surtout économique. Toutefois, il reste encore plusieurs obstacles à franchir pour y parvenir. D’un autre côté, il semblerait que le Parlement suisse s’apprête à supprimer les frais de réseau doubles, ce qui pose les bases d’une mise en œuvre économiquement viable de cette technologie. Pour ma part, je n’ai aucun doute: la recharge bidirectionnelle est une solution d’avenir.
Cet article a été rédigé à mi-parcours du projet à l’automne 2023.
Qu’est-ce que «V2X-Suisse»?
Le projet de recherche limité dans le temps s’est déroulé de manière opérationnelle de l’automne 2022 au printemps 2024. 50 voitures électriques bidirectionnelles Honda ont été intégrées à l’exploitation normale de car sharing de Mobility. Il s’agissait du premier test à grande échelle avec des voitures électriques à chargement bidirectionnel en Suisse. Il devait montrer comment cette technologie peut rompre les pics de charge du réseau électrique et comment les emplacements dotés d’installations photovoltaïques peuvent optimiser leur consommation. Il s’agissait en outre d’analyser le potentiel économique des véhicules bidirectionnels en Suisse et de tester la concurrence entre les clients potentiels de flexibilité aux trois niveaux du réseau (Swissgrid, gestionnaires de réseau de distribution et regroupement pour la consommation propre).
Le rapport final sera publié en été 2024 sur ARAMIS (la base de données de recherche de l’administration fédérale). ARAMIS - La base de données de recherche de l’administration fédérale - page d’accueil (admin.ch)
Conclusion: le projet a démontré la faisabilité technique et a donné un élan à la technologie bidirectionnelle. Il a montré qu’en plus du V2H (Vehicle-to-Home) qui a fait ses preuves, le V2G (Vehicle-to-Grid) fonctionne aussi techniquement, tant au niveau du réseau que du système. Mais une exploitation économique pour une entreprise de car sharing n’est pas encore rentable à l’heure actuelle.
Outre Mobility, les entreprises suivantes ont participé au projet: le constructeur automobile Honda, la plateforme logicielle sun2wheel, le développeur de stations de recharge EVTEC, l’agrégateur tiko, ainsi que novatlantis en tant que collaborateur scientifique (en collaboration avec l’ETH Zurich). Le projet est soutenu par le programme pilote et de démonstration de l’Office fédéral de l’énergie OFEN.
Images Copyright:Patrick Besch
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